7. L'avènement de la société matriarcale
L'infolettre ONGBS du 9 octobre 2024
Bienvenue dans la nouvelle infolettre satirique L’Observatoire national du gros bon sens, dans laquelle chaque semaine, le mercredi, je souligne la publication d’un ou de plusieurs textes s’étant démarqués par leur “gros bon sens”. Cette semaine, le gros bon sens, c’est de ne pas voir un enjeu sociétal dans le viol.
Aujourd’hui, dans le cadre de cette rubrique, je vais vous faire voyager. Bien oui! Le Québec et le Canada sont loin d’avoir le monopole du gros bon sens, et quand l’enjeu politique le plus commenté de la dernière semaine au pays du sirop d’érable est le retour du « roi de la montagne » dans les cours d’école, ça donne envie de s’évader.
Notre voyage commence en France, dans le département de Vaucluse. Vous y déambulez dans son chef-lieu, la ville d’Avignon. Vous venez de vous y taper une solide matinée de danse en rond sur le pont, comme le veut la chanson, et vous vous rassasiez au restaurant du coin.
En après-midi, vous vous louez un taxi qui vous amène dans la petite commune de Mazan, à une trentaine de kilomètres de là. Jadis une cité fortifiée du Moyen âge, vous pouvez maintenant y voir une charmante variété de paysages, que ce soient les champs de vignes à perte de vue, ou encore les montagnes à la pointe enneigée. Ça ressemble un peu à la commune de Les Houches, que vous pouvez contempler au début du texte (on fait ce qu’on peut avec la sélection d’images dans le domaine public!).
Mais ce qui distingue vraiment ce petit coin de paradis, ce sont ses habitants. Regardez, là-bas, M. Benoît qui vient tout juste de demander sa copine en mariage. Ils sont si beaux ensemble. Oh! là-bas, Mme Dubois qui sort du boulanger, baguette à l’aisselle. Et au loin, Mme Pélicot, qui est présentement en cours puisqu’elle s’est fait violer par des dizaines d’hommes, sur une période de 10 ans, lorsqu’elle était soumise chimiquement par son mari Dominique Pélicot.
Woops…
Le détenteur du consentement
En effet, Gisèle Pélicot, une septuagénaire de Mazan, a été violée pendant 10 ans par son mari et des hommes qu’il recrutait sur internet. Le mari avait un modus operandi systématique, où il droguait sa femme avant de permettre aux complices d’intégrer le domicile du couple afin de la violer, sans qu’elle s’en aperçoive.
Ce procès a donné lieu à de véritables perles de gros bon sens. Des co-accusés, qui avaient été recrutés dans un salon numérique nommé « À son insu » (!), jugeaient que Mme Pélicot était consentante. Nous avons peut-être ici autant besoin de formations sur le consentement que de formations de lecture.
Tel qu’illustré dans un texte de La Presse, l’un des accusés, Redouan E., 55 ans, estime que le mari était « détenteur du consentement de sa femme ». « À partir du moment où le mari était présent, il n’y avait pas de viol », dit quant à lui Adrien L., 34 ans.
Plus qu’un procès comme les autres, c’est en quelque sorte un procès de la France et de sa relation avec la notion de consentement sexuel qui a lieu.
La culture du viol
Dans le commentariat, les chroniqueurs sont sous le choque. Marie-France Bazzo, dans La Presse, énonce que « L’affaire Pelicot et le procès révèlent que la culture du viol existe en France. Dans tous les milieux. Les yeux s’ouvrent, enfin ».
Maria Mourani, dans le Journal de Montréal affirme que « ces actes sont symptomatiques d’une culture du viol de plus en plus prégnante dans nos sociétés qui se nourrit de l’anonymat et de la facilité de prédation qu’offre l’internet. »
Rima Elkouri, dans La Presse, élabore un peu plus sur cette culture du viol.
On parle ici d’une culture misogyne qui ne dit pas son nom. Une culture qui voit les femmes comme des poupées en série.
Une culture qui encourage et banalise les agressions sexuelles pour ensuite accuser les victimes de l’avoir cherché, de mentir et d’y avoir pris plaisir.
Si les agresseurs demeurent les premiers responsables de leurs crimes, la société doit continuer à se questionner sur tout ce qui reste encore à faire pour mieux lutter contre les violences sexuelles et mettre fin à l’impunité.
Même Richard Martineau a été bouleversé au point de souhaiter être Dieu, et d’annoncer que la première chose à son agenda dans le cadre de ses nouvelles fonctions serait de « de diminuer la force de la pulsion sexuelle ». Moi, aux élections célestes, je voterais pour lui. « Être une femme, je ne me sentirais pas à l’aise d’être seule dans une maison avec un homme que je ne connais pas », ajoute-t-il. Dommage qu’il n’ait pas pu dire son conseil à Gisèle Pélicot avant les faits, ça nous aurait évité bien des problèmes!
Le viol, enjeu collectif ou individuel?
Mais, une chance qu’il y en a pour nous calmer les ardeurs du côté de la dénonciation d’une présumée « culture du viol ». Sophie Durocher, meilleure ami des féministes et conjointe d’un aspirant Dieu, y va comme suit:
Ne venez pas me parler de la “culture du viol” qui régnerait supposément en Occident en 2024. Je ne suis plus capable d’entendre ces mots sortir de la bouche des néo-féministes.
[ …]
Si on vivait vraiment dans une “culture du viol” en Occident, ça signifierait qu’on banalise ça, qu’on glorifie ça, qu’on célèbre ça.
Or, chaque fois qu’une histoire de viol, comme celle de Mazan, est connue, c’est la société au complet qui est révoltée!
Voilà qui est dit. Quoique la moitié de «la société au complet» se révolte visiblement sans trop savoir pourquoi, puisque selon une étude de la Fondation canadienne des femmes publiée en 2022, «55 % de la population au Canada ne comprend pas pleinement la notion de consentement dans les activités sexuelles».
Christine Kelly, dans le Journal du Dimanche, est de la même école de pensée. Pour cette dernière, il faut individualiser les cas de viol, et éviter d’y voir un enjeu sociétal plus grand. Après tout, « la vraie justice ne repose pas sur une culpabilité collective, mais individuelle ». « Un homme a protégé [son] enfance » et « un homme [l]’a fait pleurer aux JO, Léon Marchand. » En effet, les prouesses nautiques de Léon Marchand ont de quoi redonner espoir en la gente masculine. Richard va surement lui épargner sa libido, à lui.
Mais la fan de Léon Marchand va encore plus loin :
Avec ce discours, on peut aussi penser que certaines femmes cherchent sciemment à déconstruire les hommes pour acquérir un certain pouvoir, pour prendre un certain leadership dans la société dans le but qu’elle devienne matriarcale.
[…]
Observez bien le putsch qui, ces dernières années, ne dit pas son nom : une accusation d’agression sexuelle ou de violence faite aux femmes ; avant même d’être jugé, l’homme est vite congédié et remplacé par une femme, on est plus tranquille.
Nous pouvons dès maintenant voir les impacts dévastateurs de ce « putsch ». En 2021, « 19,7% des membres des conseils d'administration (CA) étaient des femmes […] pour... 5% parmi les directeurs généraux », selon un rapport du cabinet Deloitte portant sur près de 10.500 entreprises. Cette hécatombe a même mené à l’avènement de la deuxième femme première ministre de l’histoire de la République de 2022 à 2024 (Élisabeth Borne) et à un gouvernement Barnier paritaire (20 femmes et 19 hommes + un premier ministre) en septembre 2024.
Mais où va le monde?!
Mme Kelly y va même de paroles fortes envoutantes. « Libérons notre société de cette guerre des genres. De ce prisme systématique à travers lequel on regarde tout acte, toute décision. Un genre n’a pas à prendre le dessus sur un autre. » Selon un communiqué de presse du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) parut en 2023, les femmes représentent 85% des victimes de violences sexuelles, et les hommes représentent la quasi-totalité des agresseurs (96%).
Je ne vois rien d’autre, ici, qu’une répartition aléatoire des agresseurs et des agressées selon leurs caractéristiques sociodémographiques, ce qui ne laisse transparaître aucun phénomène sociétal dépassant la responsabilité individuelle.
Pas vous?