6. On a besoin d'un père, pas d'une mère
L'infolettre ONGBS du 25 septembre 2024
Bienvenue dans la nouvelle infolettre satirique L’Observatoire national du gros bon sens, dans laquelle chaque semaine, le mercredi, je souligne la publication d’un ou de plusieurs textes s’étant démarqués par leur gros bon sens. Cette semaine, le gros bon sens, c’est de manger sa main et de garder l’autre pour demain.
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Comme on le dit dans le milieu du commentariat, ce ne sont pas toutes les semaines qui sont égales au niveau du gros bon sens. Certes, certains textes intéressants sont parus la semaine dernière, mais il n’y en avait pas suffisamment sur un thème spécifique pour qu’ils puissent être amalgamés dans l’effort cohérent d’écriture qu’est cette rubrique.
Dos au mur, sentant le désespoir monter en moi, m’écriant « mais où est donc bien rendu le gros bon sens?! », j’ai été amené à me rabattre sur un sujet qui a fait couler bien de l’encre il y a quelques semaines, mais, le fait que j’écris un texte par semaine oblige, je ne l’ai pas couvert au moment où il était au sommet de l’intérêt collectif.
Une idée folle
Le 5 septembre dernier, la formation politique de gauche Québec solidaire (QS) a décidé de faire de l’alimentation scolaire son cheval de bataille en vue de la rentrée parlementaire (qui a eu lieu depuis). Désirant en faire un enjeu trans partisan, les idéologues d’extrême gauche ont rappelé que le Canada est le seul pays du G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) à ne pas avoir un programme d’alimentation scolaire, faisant ainsi écho à une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) parue en 2023.
Mais chers solidaires, si votre meilleur ami allait se tirer en bas du pont, vous y empresseriez-vous également?
L’État maternel
Mathieu Bock-Côté, expert en alimentation infantile, dégage deux principaux problèmes à cette « fausse bonne idée ». Le fait qu’un enfant sur cinq se présente à l’école le ventre vide est bien sûr un scandale, concède-t-il. Mais alimenter ces petits mal-nourris pose un sérieux problème « moral », puisque « c’est la responsabilité élémentaire des parents de nourrir leur marmaille ». Et s’ils ne le font pas, et bien, tant pis.
En effet, il relève du gros bon sens de vouloir qu’un gouvernement agisse en « bon père de famille » dans les moments difficiles, mais il y a toujours bien des limites à vouloir qu’il agisse en bonne mère de famille, voir en « nounou ». Daniel Germain, chroniqueur financier dans les Coops de l’information, trouve également « l’État un peu maternel par bout ».
Des mères de famille, leur place, c’est dans la cuisine à faire des lunchs, justement. La politique, l’État, c’est pour les tâches paternelles, les fonctions régaliennes ( assurer la sécurité, assurer l’ordre, gérer l’argent, etc.).
« Théoriquement, le débat devrait se clore ici. Chacun devrait reprendre ses esprits. »
L’argument économique
Le second argument, pour Bock-Côté, est économique. « Ces repas, quoi qu’en dise QS, ne seront pas “gratuits”. Il n’existe rien de gratuit en ce monde. Ils seront payés par l’argent public. Donc par l’impôt ».
Daniel Germain illustre bien l’ordre des priorités qu’on doit surmonter avant même d’envisager de dépenser les 500 à 700 millions de dollars estimés pour un tel programme. « Si nos infrastructures (dont les écoles) ne tombaient pas en ruine, si les ressources spécialisées ne manquaient pas cruellement en éducation, si le réseau de la santé n’était pas perpétuellement au bord de l’implosion, si les CPE n’en arrachaient pas, si, si, si… si on n’était pas dans le trou de 40 milliards à Ottawa et de 11 milliards à Québec, la proposition de QS tomberait peut-être à pic. »
Il y a en effet peu de choses qui ont plus de bon sens que de mettre de l’ordre dans les finances publiques avant d’envisager, peut-être, mettre en place d’autres programmes sociaux.
Une piste de solution plus simple serait de recouvrer les 1 à 2 milliards de dollars que le Québec perd chaque année à cause du recours des plus riches aux paradis fiscaux, ne pas donner environ 1 milliard de dollar en un an à une compagnie de batteries en déroute, ainsi que de ne pas réduire les impôts de tout le monde (même les plus riches) pour une perte de revenue de 1,7 milliard par année, mais ça, c’est un autre dossier.
Les arguments marginaux
Bon, ça peut être lourd un peu de parler de morale et d’économie, mais je pense qu’on a fait le tour de l’argumentaire et pourquoi la proposition de QS ne tient pas la route.
« La boucle est bouclée », comme dirait Mathieu Bock-Côté.
Mais il faut croire qu’on ne lui a pas enseigné la technique du double nœud, puisqu’il a suffi d’une réplique du porte-parole masculin de QS Gabriel Nadeau-Dubois pour que ses souliers se délassent et qu’il doive se pencher à nouveau, irrité, afin de récidiver.
Dans notre société hétéroclite du point de vue religieux, culturel et alimentaire, il faut évidemment s’attendre à un ras-de-marré de scandales face à l’application concrète d’un tel programme. Le chroniqueur utilise la figure consacrée de la sandwich au jambon afin de montrer comment il est impossible de nourrir tout le monde en même temps. En effet, les végétariens (qui ne mangent pas de viande) et les musulmans (qui ne mangent pas de porc) se révolteront, le fait que nos cafétérias scolaires offrent seulement un met à la fois nous y condamnant.
Échec et mat, QS.
Ces problèmes peuvent sembler mineurs, évoqués justes comme ça, avoue-t-il. « Mais ils nous rappellent que la fausse bonne idée de QS, condamnable dans la mesure où elle déresponsabilise les parents, serait à peu près impraticable, vu l’état d’esprit dominant, vu la mentalité qui commande aujourd’hui l’organisation de la société. »
« Impraticable », comme peuvent en témoigner nos amis du G7.