8. Les médecins de la diversité, c'est non.
L'infolettre ONGBS du 16 octobre 2024
Bienvenue dans l’infolettre satirique L’Observatoire national du gros bon sens, dans laquelle chaque semaine, le mercredi, je souligne la publication d’un ou de plusieurs textes s’étant démarqués par leur «gros bon sens». Cette semaine, le gros bon sens, c’est de s’en foutre de la couleur de peau de son médecin (en fait, pas tant que ça).
La semaine passée fut le théâtre d’un véritable tremblement de terre dans le milieu de l’éducation supérieure, et plus spécifiquement de la médecine. Un tremblement de terre dont les secousses ont même eu le culot de venir déranger Richard Martineau dans son indifférence face à l’enjeu, ce dernier en ayant déjà assez dans son assiette ces temps-ci avec un cancer de la prostate à guérir (tiens bon Richard, cette rubrique a besoin de toi en pleine forme).
Un tremblement de terre provoqué par l’ouverture des admissions à l’École de médecine de la Toronto Metropolitan University (TMU) pour l’année scolaire 2025.
Le journal étudiant the Eyeopener rapportait en effet, le 8 octobre dernier, que
la Toronto Metropolitan University (TMU) a annoncé que sa nouvelle faculté de médecine lancerait les candidatures en ligne pour son programme de doctorat en médecine (MD) le 9 octobre, pour sa première cohorte d'étudiants débutant en septembre 2025.
[…]
Au cours de sa première année, l'école disposera de 94 places de premier cycle et de 105 places de troisième cycle, qui ouvriront toutes deux en juillet 2025.
Entre indifférence et opposition
Mais qu’est-ce qu’il y a de scandaleux dans cette annonce, au point de voir d’un mauvais œil la tentative de remédier au fait que 2,3 millions d’Ontariens n’ont pas de médecin de famille, un nombre destiné à doublé dans les deux prochaines années selon l’Ontario Medical Association? Laissons Richard expliquer.
Dernière folie en date: l’ancienne Université Ryerson (devenue la Toronto Metropolitan University) privilégiera les candidatures provenant de groupes minoritaires lors de l’ouverture de son département de médecine.
On compte accueillir 94 étudiants en médecine.
Vingt-quatre de ces étudiants seront choisis sur la base de leurs notes.
Et soixante-dix seront choisis sur la base de leur appartenance à des groupes minoritaires “traditionnellement sous-représentés dans les départements de médecine”.
Yep.
« Yep », ou pas tout à fait.
« Je ne l’invente pas, c’est écrit noir sur blanc sur la page “Admissions Pathways for Equity-Deserving Groups” de l’École de médecine de la Toronto Metropolitan University », de rajouter Ricky.
Richard a premièrement raison d’écrire que des 94 étudiants en médecine (les « undergraduates », pour reprendre la terminologie du Eyeopener), 70 seront admis par l’entremise de « voies d'admission pour les candidats représentant des groupes méritant l'équité ».
Toutefois, pour ces étudiants, « l'exigence académique minimale pour l'admission au programme de médecine est une moyenne pondérée cumulative de 3,3 obtenue au cours d'un programme de premier cycle de quatre ans dans un établissement accrédité ».1
Il s’agit des mêmes standards académiques que pour les « blancs et hétéros », les préférés de Martineau.
Une discrimination scandalisant
Richard en rit, mais il s’en « fou[t] de la race ou de l’orientation sexuelle du médecin qui [le] soigne! ». Il a bien le droit de chialer sur ce que bon lui semble! Je n’ai pas de leçon à donner, moi qui chiale sur le monde qui chiale.
Mais son homologue Jamie Sarkonak du National Post apporte les choses à un niveau supérieur.
La nouvelle faculté de médecine du Canada devrait être l’un des programmes les plus discriminatoires de son genre lorsqu’elle ouvrira ses portes en 2025. Les hommes hétérosexuels, blancs et “privilégiés” ne seront pas accueillis chaleureusement comme candidats au doctorat en médecine à la Toronto Metropolitan University (anciennement Ryerson), car seulement un quart des places leur seront ouvertes.
C’est exactement le genre de racisme exagéré, explicite et fier que les défenseurs de la diversité nous ont assuré qu’il n’arriverait jamais.
25% des places dans le programme seront en effet offertes à un groupe qui représente environ 30% de la population (32% des Ontariens sont des hommes blancs2 selon le recensement de la population de 2021, et de ce nombre, 4% ne sont pas hétérosexuels selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes).
Mais visiblement, pour Jamie Sarkonak, ce n’est pas tant la représentativité statistique de certains groupes au sein des écoles de médecine qui la préoccupe, mais l’existence même de docteurs venant de la diversité.
Voulez-vous vraiment qu’un médecin de la diversité évalue votre dose de psychotrope ? Qu’il calcule mal votre dose d’anesthésie ? Qu’il vous coupe la chair? Personne ne le veut, et c’est pourquoi, depuis tant d’années, les autorités provinciales, les universités et les associations professionnelles font de leur mieux pour garder l’accès à un domaine qui doit absolument être réservé aux plus compétents.
Une étude pour la route
Une étude pancanadienne de 2020 a établi que « les étudiants en médecine, par rapport à la population recensée, sont plus susceptibles d'avoir grandi dans des ménages à revenu élevé et d'avoir des parents qui sont des professionnels ayant un niveau d'éducation formelle élevé. Les étudiants en médecine sont moins susceptibles d’être noirs, autochtones et d’avoir grandi en milieu rural ». Cette représentativité de certains groupes de la population au sein des écoles de médecine est importante, selon les auteurs de l’étude, puisque « les caractéristiques démographiques des étudiants en médecine influencent la portée et le lieu de leur future pratique ».
C’est donc dire que former des médecins de la diversité va surtout venir aider les populations de cette diversité (autochtones, minorités visibles) qui sont en manque de médecins qui les desserve.
Et Richard et Jamie pourront continuer à paisiblement se faire soigner par des médecins blancs et hétéros formés dans les 17 autres écoles de médecine au pays où la surreprésentation de ce groupe est encore souvent la norme.
C’est-tu pas beau, la vie.
À noter que « dans des circonstances exceptionnelles, les candidats aux trois filières d'admission (autochtones, noirs et méritant l'équité) avec une moyenne pondérée cumulative inférieure à l'exigence minimale de 3,3 peuvent voir leur demande d'admission examinée par le sous-comité de la filière concernée. »
plus spécifiquement des « Hommes + » blancs, incluant une certaine partie des personnes s’identifiant ni comme homme, ni comme femme.